Gracié, retrouvé par Tiberge parti à sa recherche, des Grieux revient en France neuf mois après la mort de Manon. De retour en France, il apprend la mort de son père, miné par le chagrin. Cest la deuxième rencontre avec lHomme de qualité, à Calais. Nous arrangeâmes que nous passerions cette journée-là à Douvres sans sortir de lauberge et que le lendemain après la traversée, nous reprendrions le chemin de mes terres ; que Manon choisirait celle qui lui serait le plus agréable et que nous y fixerions notre séjour. Mais nous nétions pas à la fin de tous les dangers. Qui peut répondre dun jour de paix et de bonheur dans la tempête des passions? p. 80 Mots-clés : pathétique ; pétrarquisme et courtoisie ; gestuelle et mise en scène Dieux, mécriai-je avec la voix la plus forte, cest Manon! arrête! tu vas faire un faux serment! Manon, car cétait elle-même, jeta les yeux du côté quelle entendait ma voix ; elle avait reconnu aussi mes traits, et sévanouit. L irréel du passé dans j aurais porté chez mon père tout mon innocence fait référence à une culpabilité chrétienne où le fils indigne sest égaré dans le péché. Labbé Prévost joue ici sur le double sens du mot père : Pour Des Grieux, cest donc la société qui soppose fondamentalement à son rêve de bonheur et damour parfait, société dominée par la figure de lautorité paternelle. Dans le roman, cette autorité est représentée essentiellement par trois personnages. Dabord par celui du père du chevalier, qui incarne le pouvoir moral, fondé sur lhonneur familial. Le père soppose à lamour de son fils, parce quil le trouve indigne. Le deuxième personnage est celui du vieux G. M., incarnant le pouvoir économique, celui de largent. Cest un pouvoir perverti, fondé sur la conviction que la richesse autorise linjustice et limmoralité. Enfin, la troisième figure est celle du gouverneur de la Nouvelle-Orléans. Celui-ci représente le pouvoir politique, fondé sur la loi du plus fort. Or ce sont essentiellement ces trois personnages, représentants de la société, qui veulent ravir à Des Grieux son amour. Cest pourquoi il en vient à rejeter leurs lois arbitraires et leur morale conventionnelle, pour créer sa propre morale, celle du sentiment. Cest au nom de cette morale du sentiment que le chevalier transgresse dautres limites, celles que nous pourrions appeler extérieures ou sociales : il devient successivement tricheur, menteur, voleur, assassin. Il sexclut volontairement du milieu dont il faisait partie jusqualors. Il se met à tricher au jeu parce quil a besoin dargent pour retenir Manon près de lui ; il accepte de berner et de voler le vieux G. M.. Dans lespérance de regagner lamour de sa maîtresse ; il sévade de la prison en tuant le portier qui veut len empêcher, pour aller délivrer Manon, emprisonnée elle aussi. Il va donc de plus en plus loin dans ce mouvement qui le conduit à la déchéance, trouvant sa justification dans la longue et insurmontable passion p. 115 quil ressent pour sa maîtresse. entre les deux caractères. La rencontre est donc complète: lesprit et le physique sont dévoilés entre les deux personnages, même si quelque personnage nous offre une vision Le roman présente également des personnes vertueuses qui font contraste et font apparaître les deux amants très ingrats, tel Tiberge. Surtout, la fin du roman consacre la morale chrétienne : Manon, enfin, saisit toute la profondeur de lamour de Des Grieux et choisit la vertu. En Louisiane, on fait aussi appel aux Filles du roi ou filles à la cassette, comme on les y appelle à lépoque de la Compagnie dOccident : 120 jeunes femmes volontaires sont ainsi transportées entre 1719 et 1721. Des Grieux est pressé par celui-ci de raconter son histoire. Avant le début de son récit, Renoncour reprend brièvement la parole pour garantir la fidélité de sa transcription. Il laisse Des Grieux parler jusquà la fin de la première partie. Gravelot, Hubert-François Bourgignon dit 1699-1773 Des Grieux réalise ensuite que même si son amour est sincère, Manon semble avide de plaisirs, aime à dépenser sans compter et ne peut se résoudre à une vie médiocre. Dès la première rencontre, à la table dhôte, p. 26 : Je navais prêté mon attention au discoureur, que parce que depuis le commencement du dîner je le fixais comme quelquun que javais vu ailleurs ; et p. 34, au moment de la seconde entrevue, immédiatement en amont de la narration du personnage : lui surtout que je croyais avoir connu autrefois, sans pouvoir me rappeler dans quelles circonstances. Envoûté, Des Grieux lui pardonne et quitte immédiatement le séminaire. Après une nuit à lauberge, les deux amants, plus que jamais amoureux lun de lautre, sinstallent au village de. Il faut, mon cher Comte, que je me remette sous le sable où vous maviez enterrée, pour ne vous faire perdre aucune des situations où jai été réduite depuis ce jour fatal qui nous a séparés. L homme de qualité revient de Londres avec un élève et a prévu de séjourner un jour et une nuit à Calais. Peu à peu, Des Grieux reprend goût à la vie : en compagnie de Tiberge, il lit, il étudie. Mais bientôt, il apprend par son ami que Manon est à Paris, et quelle est entretenue par le vieux fermier. Il prend alors la décision de se retirer du monde, dans le séminaire de Saint-Sulpice. Il y trouve lapaisement et loubli jusquà retrouver Manon lors dun événement en Sorbonne. Caprices du Destin. Dans ces conditions, les protestations dinnocence
et Des Grieux sait parfaitement se servir de largument pour autoriser Le narrateur qui revient de Rouen a la curiosité éveillée par un attroupement autour de deux voitures situées devant la porte dune mauvaise hôtellerie. Un archer lui apprend quil sagit dun convoi dune douzaine de filles de joie prisonnières qui doivent se rendre au havre-de-Grâce pour embarquer pour lAmérique. Il en remarque une qui semble être différente des autres. Elle ressemble à une personne de premier rang. Elle est très attristée. Un jeune homme est assis près du groupe, il semble suivre la jeune fille depuis son départ. Il est affligé et paraît désespéré. Il apprend au narrateur quil a dû payer de fortes sommes dargent pour sapprocher delle, quil na plus rien, ni argent, ni monture. Le narrateur intervient auprès des gardes et obtient contre six louis dor que les deux jeunes amants puissent se parler autant quils le voudront jusquà leur arrivée au Havre. 1La question des mécanismes de lillusion tels que ceux-ci apparaissent au début du xviii e siècle met immédiatement laccent sur le paradoxe qui nourrit tout entier le genre romanesque : il sagit toujours de raconter une histoire, le lecteur sait parfaitement quelle est fictive, mais il exige quelle soit racontée comme si cétait vrai, et les données formelles entre lesquelles choisit lauteur ont pour fonction dassurer la crédibilité, en même temps quelles lui imposent une direction dont il ne saurait sécarter sans être infidèle à ses choix. 111On entre alors dans une séquence où le continuateur se trouve devoir rapporter du point de vue de Manon des événements déjà narrés par Des Grieux dans la troisième partie : faute de sêtre ménagé de confortables ellipses qui pourraient être comblées après coup par de souples paralipses 47, le continuateur doit affabuler ici les motivations de lattitude, somme toute assez illogique, de Manon lors de la rencontre inopinée de Des Grieux puis au lendemain de la cérémonie interrompue :.